L’artiste

HAMSI Boubeker
HAMSI, l’art et la vie, par Daniel Laroche.

Même les distraits s’en rendent compte rapidement, HAMSI n’est pas de la race des artistes introvertis ou écorchés vifs. Foncièrement amoureux de la vie, au-delà des peines et des inquiétudes que celle-ci charrie inévitablement, il cherche à extraire de chaque expérience vécue, de chaque rencontre, de chaque souvenir, une leçon de confiance dans le monde et dans l’homme. De plus, loin de garder jalousement cette richesse tout empirique, il veut au contraire la transformer en beauté, la partager, la faire rayonner autour de lui.

Par ses thèmes de prédilection et son art sans arrière-pensées, HAMSI nous entrouvre une fenêtre sur l’univers de son enfance, cet univers où tout commence, où l’on est inlassablement curieux de tout ce qui nous entoure, où les moindres images, les moindres faits, les moindres paroles se gravent pour toujours dans l’esprit. Aussi exprime-t-il dans ses œuvres toute sa tendresse pour la vie d’autrefois en Kabylie, tout son attachement à la lumière, aux couleurs, aux formes, aux paysages, aux personnages de son passé.

Bien qu’il ait assimilé en profondeur la culture occidentale, HAMSI ne s’inféode pas aux tendances et aux styles de la peinture européenne. Fidèle à sa culture d’origine, il cherche constamment à renouer avec le travail décoratif et ornemental qui la caractérise, et qui n’est jamais détaché de la vie la plus quotidienne, puisqu’il s’exprime dans les tissus et les vêtements, dans la vaisselle et les ustensiles, dans le décor des maisons, dans les bijoux et les parures de fête. Tout l’art d’HAMSI, pourrait-on dire, est un art de l’émerveillement.

La création picturale est aussi pour lui un moyen de lutter contre l’oubli qui menace sa culture, de faire connaitre l’art des femmes kabyles tel qu’il se transmettait de mère en fille depuis les temps les plus anciens. Ainsi, les motifs géométriques et graphiques dont elles ornent leurs poteries remontent parfois aux temps préhistoriques. On les retrouve sur les tapis ou les murs des maisons, où ils peuvent exprimer des croyances superstitieuses, comme le pouvoir d’éloigner le mauvais œil, ou simplement servir de moyen de communication entre les femmes du village.

Si les œuvres d’HAMSI reflètent l’esprit kabyle, les objets, costumes et traditions kabyles, ce n’est pas de manière servilement descriptive ou encyclopédique. L’artiste prend de grandes libertés à leur égard. D’une part, il se livre à une stylisation systématique des formes, y compris des végétaux et des animaux ; d’autre part, usant d’une palette de teintes franches et vives, il se laisse guider par son intuition et son imagination de coloriste virtuose. Aussi son art minutieux et délicat a-t-il été souvent comparé, à juste titre, à celui de l’enluminure ancienne, ou encore à celui de la peinture naïve.

HAMSI ne se réfère donc pas à l’observation directe « sur le motif », ou à des photographies, et moins encore à des livres, ou à des notes personnelles. Rien de « touristique » dans sa démarche. Il se laisse guider par sa mémoire et sa spontanéité créative pour émouvoir, pour recréer une atmosphère qu’il connait bien et qui n’est pas sans rappeler celle des contes et des fables. Quoique le détail occupe une place de choix dans ses compositions, c’est bien l’image globale d’une contrée, d’un mode de vie qu’il cherche à nous communiquer, tout en lui donnant une dimension onirique.

Parce qu’une culture s’exprime par ses modes de vie, ses rites, sa production artisanale, ses motifs ancestraux, on retrouve chez HAMSI une combinaison de représentation « figurative » stylisée et de travail quasi calligraphique sur les motifs géométriques, ceux qui ornent notamment les tapis. Toutefois, la maitrise technique, très sûre, jamais ne contrecarre l’impression de fraicheur, de spontanéité. Ainsi, les grandes compositions ne sont pas structurées selon les règles de la perspective, mais rythmées essentiellement par la couleur et par la répétition de formes identiques : toits des maisons, arbres fruitiers, personnages, etc.

Les évocations de fêtes, de mariages, de souks, comme les scènes de la vie quotidienne, sont grouillantes de vie, foisonnantes de couleur. Présentés frontalement en des poses quelque peu hiératiques, les personnages décrivent les activités avec minutie. Cet univers presque idyllique semble paradoxal quand on pense aux difficiles conditions de vie des paysannes de Kabylie. Au vrai, les couleurs chaudes des robes, les grands yeux rieurs, les arbres gorgés de fruits, les figues de Barbarie en abondance évoquent un paradis terrestre comme il n’en existe guère que dans l’imagination des enfants.

S’il peint généralement sur papier ou sur toile, HAMSI décore aussi des triptyques ou des objets usuels comme les calebasses et les assiettes, supports d’allure modeste, sinon prosaïque, mais témoins idéaux de la vie quotidienne traditionnelle. La peinture sur calebasse, qui n’existe pas comme telle dans la tradition kabyle, fait écho à des souvenirs d’enfance de l’artiste : pour la préparation du beurre, les femmes plaçaient le lait dans une calebasse qu’elles suspendaient à une poutre du plafond, les enfants étant requis pour imprimer au récipient un mouvement de balancier selon un rythme régulier…

Un ensemble de neuf assiettes au décor de céramique à froid, ornées de natures mortes, de travaux quotidiens, de scènes villageoises. Cette céramique rappelle qu’anciennement les femmes de Kabylie ne possédaient pas d’ustensiles ménagers manufacturés : elles réalisaient elles-mêmes en terre cuite, selon des techniques ancestrales, les jarres ou akoufi, les bols, les plats, les tajines. Il leur fallait façonner l’objet, le décorer, le vernir et le cuire. Contrairement à ce qui se passe dans la société occidentale, la fabrication des ustensiles, leur ornementation et la préparation du repas étaient donc intimement liés.

Ces objets décorés sont donc autant de symboles du travail quotidien de la femme, et de la créativité dont elle fait preuve dans sa demeure, que ce soit dans le domaine de la décoration, dans celui du chant, dans celui du conte oral. Elle n’est toutefois pas confinée aux tâches domestiques, tant s’en faut. Un autre hommage est rendu par HAMSI à la femme kabyle par les portraits imaginaires qu’il a composés : la Kahina, personnage mythique, ou encore Massa et Anya, parées de leurs bijoux multicolores en nacre, en métal cloisonné ou repoussé. Ici, c’est la beauté souveraine qui est célébrée, sorte d’écho somptueux à l’humble cendrillon qui entretient les vêtements et prépare les repas.

Quant au travail graphique couché à l’acrylique ou à l’encre de Chine sur de longues bandes de papier, il a pour point de départ les motifs géométriques et pictographiques berbères, tels les dessins que l’on trace au henné sur les mains et le corps. Ces dessins ont pour HAMSI une importance quasi emblématique, car ils possèdent une fonction pour lui essentielle : celle de porte-bonheur. Il n’hésite donc pas à enrichir ce répertoire par des motifs originaux pour créer un langage nouveau, à la fois énigmatique et fascinant, chargé d’une magie secrète.


VOIR LES ÉMISSIONS TV ET REPORTAGES:

L’hommage rendu à Bejaïa – 2012

RTBF JT- 1998

TELE BRUXELLES – Fév- 2012

TV5 – 1998

RTBF – Février 1989

ARTE BELGIQUE – Février 2008

Berbère Télévision – Février 2008

TV Centre – Novembre 1996

BRT -Couleurs Locales – 1988

AB3 -JT – Setp. 2002

TV Brussel

RTL – Octobre 1992