La Terre est mon village

Au-delà des foules et des couleurs

François ESPERANZA – Historien et Critique d’art
Espace Art Gallery – LA GRANDE EXPOSITION A BRUXELLES
Du 05 au 29 mai 2022 à Bruxelles.

L’ARRÊT SUR LE GESTE : L’ESTHÉTIQUE DU MOUVEMENT SELON HAMSI BOUBEKER
L’œuvre de HAMSI BOUBEKER est une entité faite de la poésie quotidienne émanant de la ruralité de sa Kabylie natale, véhiculant l’écho d’une culture aujourd’hui séculaire. L’artiste expose une œuvre simplement colossale laquelle occupe la totalité de l’espace de l’EAG. Il s’agit d’un ensemble de 103tableaux !La peinture de cet artiste se singularise par trois éléments conduisant vers ce qui la caractérise le mieux, à savoir la maîtrise du mouvement. Ces trois éléments sont la couleur, l’espace et le regard. La couleur est une réminiscence de sa Kabylie natale en ce sens qu’elle est la composante majeure des vêtements des femmes de cette région. Il s’agit de couleurs joyeuses et vivaces sans être aucunement criardes. L’espace est le terrain sur lequel évoluent indistinctement les personnages ainsi que les demeures et les animaux. La toile en est entièrement remplie. Le but de cette démarche est celui de donner un maximum de visibilité aux hommes et aux choses dans un but de partage, ce qui provoque le sentiment de continuité de l’œuvre.Elle ne se termine pas. Après relecture de ses œuvres, l’artiste a découvert que tous les personnages partaient en élévation comme pour une prière.La peinture de l’artiste est, avant tout, l’émanation d’un théâtre gestuel « expressionniste », entendu comme le déploiement d’une grammaire corporelle permettant au regard d’agir comme une plus-value par rapport à l’espace. Il s’agit d’un regard noir, percé en son centre, par une faille lumineuse, créée par un cercle diffuseur de lumière. Cette pupille noire est comprise entre deux espaces signifiant le blanc de l’œil. Le regard est souligné par un trait fin supérieur, évoquant les sourcils ainsi que d’un fin pointillé sous l’orbite de l’œil, mettant en valeur son antique dimension magico-religieuse. Il procède de la démarche picturale de l’artiste dans son ensemble, tributaire de sa culture d’origine, séculaire et toujours vivante. Cette manifestation du regard n’est autre que l’héritage magico-religieux proche-oriental dont on retrouve l’origine dans les vestiges des nombreuses statuettes d’orant en prière, notamment, en Mésopotamie. Le regard, exprimé par de grands yeux exorbités, témoigne du contact issu de la rencontre épiphanique entre l’homme et la divinité. Concernant l’œuvre de l’artiste, il met en valeur essentiellement la Femme, en associant dans une même étreinte spirituelle, la lumière de son regard à celle du visiteur. Néanmoins, le regard n’est pas qu’esthétique, il détermine spatialement chaque personnage, l’un par rapport à l’autre.